- Lavoisier sera finalement chimiste. Il se
spécialisera dans l'analyse chimique: séparer les
constituants des mélanges, identifier et doser les
éléments des combinaisons convient bien à cet
adepte de l'esprit d'analyse; c'est au cours de chimie de Rouelle
qu'il va en acquérir les techniques, nécessaires
à ses études de minéralogie et
d'hydrologie.
La chimie, au
milieu du XVIIIè siècle,
Vers 1750, la chimie cherche à conquérir son
autonomie par rapport aux quatre disciplines qui lui ont
donné naissance: l'industrie, les sciences naturelles,
l'alchimie, la médecine.
L'industrie - construction des habitations, métallurgie,
fabrication du verre, textiles et cuir, production de poudre et de
salpêtre, conservation des aliments - sensibilise les
gouvernements aux possibilités de la chimie
appliquée. Les sciences naturelles connaissent un
développement rapide. L'alchimie apporte des
méthodes de préparation des drogues: la distillation
et la sublimation, et bientôt la distillation perd son
mystère pour devenir une simple méthode d'analyse.
Mais c'est surtout la médecine qui, depuis le XVIè
siècle, a permis ledéveloppement de la chimie
à travers celui de la pharmacie. Des hommes comme le Suisse
Leonhard Thurneysser (1530-1595), l'Italien Angelo Sala
(1576-1637), les Allemands Johann Glauber (1604-1670), Otto
Tachenius (1630-1700), Johann Kunckel (1630-1703) et Johann Becher
(1635-1682), ont créé la chimie médicinale.
En 1597, Andreas Libavius a publié à Francfort
Alchymia recognita, emendata et aucta, cum dogmatibus et
experimentis nonnullis, cum commentario medico-physico-chymico,
premier recueil de chimie dont le titre indique clairement les
liens avec la médecine et la pharmacie. En 1609, Johannes
Hartmann a donné à l'Université de Marburg
les premiers cours de chimie.
En France, Bernard Palissy (1520-1590), que l'on peut
considérer comme le premier professeur de chimie, a
dénoncé la vanité du savoir des professeurs
de la l'esprit empirique des charlatans et recommandé le
retour à l'observation de la nature. C'est à Sedan,
Montpellier et Paris que les liens entre chimie et pharmacie sont
devenus étroits. En 1610, Jean Béguin (1605-1615)
publie à Paris le Tyrocinium chymicum e naturae fonte et
manuali experiencia depromptum, prototype des livres de pharmacie
qui va connaître plus de cinquante éditions. En 1635,
Jean Riolan (1580-1657), membre éminent de la
faculté de médecine de Paris, crée le Jardin
du Roy; d'abord uniquement destiné à la culture des
plantes médicinales, il devient bientôt un centre
important d'enseignement de la chimie. Le premier
démonstrateur , Guillaume Davisson (1593-1669) est
engagé en 1648. Nicolas Lefèvre (1615-1669) lui
succède, puis Christopher Glaser (1628-1672).
En 1666, Colbert crée l'Académie des Sciences qui,
sur vingt-et-un membres, compte deux chimistes: Claude Bourdelin
(1621-1699), pharmacien, et Samuel Cottereau du Clos (?-1715),
médecin du roi. En 1691, Wilhelm Homberg (1652-1715) les
rejoint et donne la première définition moderne des
sels minéraux: "Les acides joints aux sels fixes composent
les sels moyens selon la nature des acides qui y ont
été employés; par exemple l'esprit de nitre
joint au sel de tartre produit du vrai sel commun, l'esprit de
vitriol joint au sel de tartre produit du vrai vitriol, qui sont
tous des sels moyens, c'est à dire en partie fixes, en
partie volatils, parce que les deux sels qui les composent sont et
demeurent l'un fixe et l'autre volatil." (W. Homberg, cité
par F. L. Holmes, in "Cum grano salis," Cahiers de Science et Vie,
n° 14, Paris, 1993, p. 81). Les successeurs, Moïse
Charas (1619-1698), G. F. Boulduc (1675-1742) et Nicolas
Lémery (1645-1715), renoncent à la vieille technique
d'analyse des sels par chauffage à sec et
développent celle, plus rigoureuse de l'analyse en
solution. Ainsi peuvent-ils définir avec précision
un nombre croissant d'acides et de bases. En 1737, Henri Louis
Duhamel du Monceau (1700-1782) isole deux types d'alcalis fixes:
l'un tiré des cendres végétales (potasse),
l'autre dérivé de l'eau de mer (soude).
En Prusse, en 1744, Frédéric II réorganise
l'Académie des Sciences de Berlin. Johann Pott (1692-1777)
y publie sa célèbre
Lithéogéognosie ou examen chymique des pierres et
des terres en général. Andreas Marggraf (1709-1780)
prépare le phosphore à partir des phosphates
contenus dans l'urine, découvre la magnésie et le
manganèse, étudie l'acide phosphorique et le
platine, extrait le zinc de ses minerais. "Vers 1750 donc,
écrit F. L. Holmes, les chimistes osent s'aventurer au
delà des limites du déjà connu,
découvrent de nouveaux acides et de nouvelles bases,
forment avec eux de nouveaux sels, ou, à l'inverse,
extraient de sels connus des acides et des bases non encore
identifiés." (Lavoisier, Cahiers de Science et Vie, n° 14, Paris, 1993, p. 82).
En France, Louis Lémery (1677-1743), Étienne
François Geoffroy (1672-1731), Pierre Joseph Macquer
(1718-1784), se félicitent de ces rapides progrès.
Et pourtant la chimie est encore loin de constituer une discipline
indépendante. Bartolomeo Beccaria (1716-1781), titulaire de
la première chaire de chimie à Bologne en 1737, y
enseigne la médecine et la pharmacie. Georg Ernst Stahl
(1660-1734) est professeur de médecine à Halle,
comme son élève Frederick Hoffmann (1660-1743).
Joseph Black (1728-1799) rédige son fameux mémoire,
Experiments on Magnesia alba, dans le but de donner aux
médecins un traitement des calculs de la vessie. Louis de
La Planche, Antoine Baumé (1728-1804) et Gabriel
François Venel (1723-1775) enseignent tout autant la
pharmacie et la médecine que la chimie. A coté de
son cours de chimie, Rouelle donne un cours de pharmacie où
il précise: "On distingue mal à propos la pharmacie
en Galénique et Chimique. Sans cette dernière,
l'autre ne fait que des combinaisons à l'aventure et des
mélanges qui, loin d'arriver au but qu'on se propose, sont
souvent très funestes. C'est la chimie qui pose les
fondements de toute bonne pharmacie. C'est de la connaissance
exacte de l'analyse que se déduisent les principes." (G. F.
Rouelle, Cours de Pharmacie , manuscrit en 1 volume in 4°,
p.4). Mais partout continuent à régner les concepts
anciens.
Les quatre éléments
d'Aristote
Rouelle, le professeur de Lavoisier, définit encore les
éléments constitutifs de la matière comme le
faisait Aristote: "Nous appelons principes ou bien
éléments des corps simples, homogènes,
indivisibles, immuables et insensibles, plus ou moins mobiles
selon leurs différentes figures, leur stature, leur masse,
qui diffèrent entre eux par leur volume, leur figure
particulière. Il est impossible de les apercevoir seuls et
séparés des autres, à moins qu'ils ne soient
réunis en très grande quantité
numérique; aussi ignore-t-on leur figure
particulière et il serait très ridicule de
prétendre la déterminer, comme ont fait plusieurs
physiciens. Ce qu'on peut assurer, c'est qu'ils sont en
très petit nombre et que cependant leurs différentes
combinaisons suffisent pour former tous les corps de la Nature.
Nous admettons quatre principes ou éléments: la
phlogistique ou le feu, la terre, l'eau et l'air." (G. F. Rouelle,
Cours de Chymie, pp. 27-28).
De son coté, Macquer écrit en 1756, dans les
Éléments de chimie théorique :
"Séparer les différentes substances qui entrent dans
la composition d'un corps, les examiner chacune en particulier,
reconnaître leurs propriétés et leurs
analogies, les décomposer encore elles-mêmes, si cela
est possible; les comparer et les combiner avec d'autres
substances, les réunir et les rejoindre de nouveau
ensemble, pour faire reparaître le premier mixte avec toutes
ses propriétés; ou par des mélanges
différemment combinés, produire de nouveaux corps
composés, dont la nature même ne nous a pas
donné de modèle; c'est là l'objet et le but
principal de la chymie. Mais cette analyse et cette
décomposition des corps est bornée: nous ne pouvons
la pousser que jusqu'à un certain point, au delà
duquel tous nos efforts sont inutiles. De quelque manière
que nous nous y prenions, nous sommes toujours
arrêtés par des substances que nous trouvons
inaltérables, que nous ne pouvons plus décomposer,
et qui nous servent comme de barrières au delà
desquelles nous ne pouvons plus aller. C'est à ces
substances que nous devons, je crois, donner le nom de principes
ou d'éléments, au moins le sont elles
véritablement par rapport à nous; telles sont
principalement la terre et l'eau, l'air et le feu. Car quoi qu'il
y ait lieu de croire que ces substances ne sont pas effectivement
les parties primordiales de la matière, et les
éléments les plu simples, comme l'expérience
nous a appris qu'il nous est impossible de reconnaître par
nos sens quels sont les principes dont elles sont
elles-mêmes composées, je crois qu'il est plus
raisonnable de nous en tenir là, et de les
considérer comme des corps simples, homogènes et
principes des autres." ( P. Macquer, Éléments de chymie
théorique, Paris,
Jean-Thomas Hérissant, 1756, pp. 1-2).
Lavoisier dénoncera rapidement le caractère
archaïque de ces conceptions: "Une chose très
remarquable, écrit-il, c'est que tout en enseignant la
doctrine des quatre éléments, il n'est aucun
chimistes qui par la force des faits n'ait été
conduit à en admettre un plus grand nombre. [...] Tout ce
qu'on peut dire sur le nombre et sur la nature de
éléments se borne suivant moi à des
discussions purement métaphysique: ce sont des
problèmes indéterminés qu'on se propose de
résoudre, qui sont susceptible d'une infinité de
solutions, mais dont il est très probable qu'aucune en
particulier n'est d'accord avec la nature." (Lavoisier,
Traité
élémentaire de chimie, Paris: Cuchet, tome 1, 1789, pp. xvj-xvij.
La
théorie du phlogistique
Cette théorie, formulée par Georg Ernst Stahl, est
admise par tous les chimistes. Elle a pour objet de rendre compte
de la combustion des corps et de la calcination des métaux.
Ces phénomènes, selon Stahl, auraient pour effet de
libérer le principe inflammable et subtil contenu dans ces
matériaux: le phlogistique. La perte de ce phlogistique
transformerait les métaux en chaux, ou oxydes
métalliques, aux propriétés physiques bien
différentes (brillance, ductilité,
malléabilité). Or, c'est sous la forme d'oxydes que
les métallurgistes reçoivent de la mine les minerais
métalliques. Pour retrouver les métaux originels,
ils croient devoir restituer aux oxydes le phlogistique disparu.
et dans ce but pratiquent l'opération inverse d'une
calcination, c'est à dire une réduction en
présence de charbon.
La théorie de Stahl a l'avantage de rendre compte non
seulement des phénomènes de combustion , de
calcination, de réduction des métaux, de solution
des métaux par les acides et même de la respiration
des êtres vivants. Mais son défaut majeur est
d'être purement qualitative et non quantitative. Si calciner
revient à faire sortir le phlogistique contenu dans un
métal, on devrait observer une diminution de poids du
produit obtenu et non une augmentation. Or c'est tout le
contraire: les produits de la calcination des métaux sont
plus lourds que les métaux originels. Stahl reconnaît
là une contradiction mais ne l'explique pas. Louis Bernard
Guyton de Morveau (1737-1816) suggère que le phlogistique
en quittant le métal calciné est remplacé par
de l'air, plus lourd que lui. et que le phlogistique serait
doté d'un poids négatif. Lavoisier, qui croit
à la vertu mathématique de la balance, n'accepte ni
la théorie ni l'hypothèse; sa foi dans la loi de
conservation de la masse le lui interdit.
Les
transmutations
En 1771, on croit encore à la possibilité de
transmutation d'un élément en un autre
élément. Johann Gottschalk Wallerius (1709-1785)
croit à la transmutation des métaux. Et dans son
cours, Rouelle fait une place aux conceptions de l'ancienne
alchimie: "Le commun des chimistes doute de la
vérité des principes de cette science mais ils ne
peuvent pas être juges dans une matière qui leur est
entièrement inconnue. [...] Quoique je ne révoque
point en doute le témoignage des grand hommes qui assurent
avoir vu des transmutations, je voudrais en voir quelqu'une pour
achever de détruire quelques doutes qui me restent encore;
mais je ne conseillerais à personne de tenter des travaux
si dispendieux par l'incertitude où l'on est du
succès, faute d'un guide sûr pour se conduire dans
une opération qui ne s'est conservée que par
tradition." (G. F. Rouellle, cité par M. Daumas,
Lavoisier, Paris: Gallimard, 1941, pp. 27-28).
Un savant suédois, Bengt Ferner, attribue à une
transformation de l'eau en terre la baisse de niveau des mers
depuis les origines de la terre. Cette hypothèse est
acceptée par de nombreux chimistes qui, après une
ébullition prolongée et une évaporation
d'eau, trouvent au fond du récipient un résidu
terreux. Selon Stahl lui-même, "l'eau, par un grand nombre
de distillations répétées peut être
portée à un tel degré de subtilité
qu'elle pénètre la substance du verre." (G. E.
Stahl, cité par Lavoisier, "L'eau la plus pure
contient-elle de la terre et cette eau peut-elle être
changée en terre?" (Introduction aux Observations sur la physique, Paris: Le Jay et Barrois, 1777, tome 1, p.
79).
Mais Boerhaave dans ses Éléments de chymie, Duhamel
du Monceau dans sa Physique des arbres et Le Roy dans un
Mémoire à l'Académie contestent la
possibilité du changement de l'eau en terre.
Lavoisier s'attaque alors, et c'est un de ces premiers travaux,
à ce mythe de la transmutation de l'eau en terre. Il fait
bouillir de l'eau pendant cent jours dans un pélican et
démontre que le résidu obtenu n'est pas dû
à un changement de l'eau en terre mais à la
dissolution dans l'eau de la paroi du pélican; et il a
réalisé cette démonstration en appliquant
pour la première fois ce qui sera la base de sa
méthode scientifique: la pesée des
éléments de la réaction grâce à
l'emploi de balances précises.
La
méthode de Lavoisier
Dans l'article Chymie de la grande Encyclopédie, Venel,
médecin à Montpellier, prophétise: "Il est
clair que la révolution qui placerait la chimie dans le
rang qu'elle mérite, qui la mettrait au moins à
côté de la physique calculée, que cette
révolution, dis-je, ne peut être opérée
que par un chimiste habile, enthousiaste et hardi, qui, se
trouvant dans une position favorable, et profitant habilement de
quelques circonstances heureuses, saurait réveiller
l'attention des savants, d'abord par une ostentation bruyante, par
un ton décidé et affirmatif, et ensuite par des
raisons, si ses premières armes avaient entamé le
préjugé." Lavoisier, ambitieux entend bien
être celui là. (Encyclopédie ou dictionnaires
raisonné des sciences, des arts et des métiers...,
de Diderot - dAlembert, Paris 1753, tome III, p. 409.) Venel, qui
est inspecteur général des Eaux minéealrs,
analyse avec son ami Pierre Bayen, pharmacien et chimiste, toutes
les eaux minérales de France. "Il est plus connu par ce
qu'il promettait aux sciences que par ce qu'il a réellement
fait pour elles," écrira sévèrement Antoine
François de Fourcroy (1755-1809). (Dictionnaire de Chimie, Encyclopédie
méthodique, tome III, p.
262).
En 1768, la mort de Théodore Baron libère une place
de chimiste à l'Académie royale des Sciences. Depuis
deux ans déjà, Lavoisier figure sur la liste des
candidats. Soutenu par les amis de son père, Maraldi et
Duhamel du Monceau, par Bernard de Jussieu, Macquer et Joseph
Jérome, Le François de Lalande (1732-1807), il est
élu. Le mercredi 1er juin 1768, il siège pour la
première fois à l'Académie. Il ne la quittera
plus pendant 25 ans, y assumant des responsabilités
croissantes.
Ses premiers mémoires sont des rapports d'analyse:
étude du gypse, du diamant, des météorites,
du charbon, du plomb, des eaux minérales; pour celles-ci,
il met au point une méthode d'analyse originale: la mesure
de la densité à l'aide d'aréomètres
d'un nouveau modèle. Il s'agit de travaux de qualité
mais qui n'ont rien de révolutionnaire. On a l'impression
qu'il n'a pas encore trouvé un sujet de recherche à
sa mesure.
En revanche, il a déjà défini sa
méthode de travail, fondée sur trois principes: 1-
Toute réaction chimique est une équation; cette
égalité est de nature quantitative; elle se
vérifie par la pesée des corps à
l'entrée de la réaction et celle des nouveaux
composés à la sortie. 2- La validité d'une
analyse chimique doit être confirmée par une
synthèse reconstituant exactement le corps originel
à partir des éléments définis par
l'analyse. 3- Le principe de conservation de la matière est
une loi mathématique de valeur générale,
applicable à toutes les sciences et non pas un simple
concept philosophique. En chimie, elle se vérifie par
l'usage systématique de la balance.
On attribue régulièrement la paternité de
cette loi à Lavoisier, mais elle était connue bien
avant lui. Elle remonte aux Grecs; Anaxagore de Clazomène,
contemporain de Zénon, la formulait ainsi en 450 av. J. C.:
"Rien ne naît ni ne périt, mais des choses
déjà existantes se combinent, puis se
séparent de nouveau." (Cité par R. Taton,
Histoire générale des
sciences, Paris: P.U.F., 1957, tome
I, p. 217).
En 1630, dans ses Essais sur la recherche de la cause pour
laquelle l'étain et le plomb augmentent de poids quand on
les calcine , Jean Rey (1583-1645), médecin
Périgourdin et correspondant du père Mersenne,
écrivait: "La pesanteur est si étroitement jointe
à la première matière des
éléments que, se changeant de l'un en l'autre, ils
gardent toujours le même poids." (Jean Rey, Essais sur la
recherche de la cause pour laquelle l'étain et le plomb
augmentent de poids quand on les calcine , nouvelle édition
revue sur l'exemplaire original et augmentée sur les
manuscrits de la Bibliothèque
du Roi et des Minimes de Paris, avec des notes, par M. Gobet, Paris, Ruault, 1777, p. 21).
En 1678, l'abbé Edme Mariotte (1620-1684) écrivait
dans son Essai de logique: "C'est une maxime ou règle
naturelle que la nature ne fait rien de rien et que la
matière ne se perd point." En 1704, Isaac Newton
(1642-1727) empruntant aux atomistes leur argument sur
l'éternelle similitude du monde matériel,
écrivait dans l'Optique: "Il me semble très probable
qu'au commencement Dieu forma la matière en particules
solides, massives, dures, impénétrables, mobiles, de
telles grandeurs et figures, avec telles autres
propriétés, en tel nombre, en telle quantité
et en telle proportion à l'espace qui convenait le mieux
à la fin pour laquelle il les formait. Et que, par cela
même que ces particules primitives sont solides, elles sont
incomparablement plus dures qu'aucun des corps poreux qui en sont
composés; et si dures qu'elles ne s'usent ni ne se rompent
jamais, rien n'étant capable, selon le cours ordinaire de
la nature, de diviser en plusieurs parties ce qui a
été fait originairement un par la disposition de
Dieu lui-même. Tandis que ces particules continuent dans
leur entier , elles peuvent constituer dans tous les
siècles des corps d'une même nature et contexture;
mais si elles venaient à s'user ou à être
mises en pièce, la nature des choses qui dépend de
ces particules telles qu'elles ont été faites
d'abord, changerait infailliblement. L'eau et la terre
composées de vieilles particules usées et de
fragments de ces particules ne seraient pas à
présent de la même nature et contexture que l'eau et
la terre qui auraient été composées au
commencement de particules entières; et par
conséquent, afin que la nature puisse être durable,
l'altération des êtres corporels ne doit consister
qu'en différentes séparations, nouveaux assemblages
et mouvements de ces corps solides, mais dans les endroits
où ces particules sont jointes ensemble et ne se touchent
que par un petit nombre de points." (Newton, cité par H.
Metzger, in Newton, Stahl, Boerhaave et la doctrine chimique,
Félix Alcan, Paris, 1930, p. 30).
Et en 1764 le docteur Chardenon affirmait plus simplement: "C'est
un principe généralement adopté que la
pesanteur absolue d'un corps ne peut être augmentée
que par l'addition de nouvelles parties de matière. La loi
des contraires indique donc qu'il ne peut devenir plus
léger que par la soustraction de ces même parties."
(Chardenon, "Mémoire sur l'augmentation de poids des
métaux calcinés," in Mémoires de l'Académie de
Dijon, 1769, iA, p. 314).
Si Lavoisier n'est pas l'auteur de la loi, et s'il n'a pas non
plus cherché à démontrer son exactitude, elle
est pour lui un véritable paradigme qui va définir
entièrement sa méthode scientifique: tout peut se
mesurer, donc se calculer et, dans un bilan, le total des sorties
doit toujours être égal à celui des
entrées. C'est dans ce but qu'il utilise de coûteuses
balances fabriquées par les meilleurs artisans ,
Mégnié et Fortin. La façon dont il formule la
loi dans le Traité élémentaire de chimie, est
intéressante car on y trouve les trois notions qui sont
pour lui essentielles: celle de méthode
expérimentale, celle d'équation et celle d'analyse
et de synthèse. Il écrit dans le chapitre
consacré à la fermentation vineuse: "Rien ne se
crée, ni dans les opérations de l'art, ni dans
celles de la nature, et l'on peut poser en principe que dans toute
opération, il y a une égale quantité de
matière avant et après l'opération, que la
qualité et la quantité des principes est la
même, et qu'il n'y a que des changements, des modifications.
C'est sur ce principe qu'est fondé tout l'art de faire des
expériences en chimie. On est obligé de supposer
dans toutes une véritable égalité ou
équation entre les principes du corps qu'on examine et ceux
qu'on en retire par l'analyse. Ainsi, puisque le moût de
raisin donne du gaz acide carbonique et de l'alkool, je puis dire
que le moût de raisin = acide carbonique + alkool. [...]
Les effets de la fermentation vineuse se réduisent donc
à séparer en deux portions le sucre qui est un
oxyde; à oxygéner l'une aux dépens de l'autre
pour en former de l'acide carbonique; à
désoxygéner l'autre en faveur de la première
pour en former une substance combustible qui est l'alkool: en
sorte que, s'il était possible de recombiner ces deux
substances, l'alkool et l'acide carbonique, on reformerait du
sucre." (Lavoisier, Traité
élémentaire de Chimie, Paris, Cuchet, 1793, tome I, pp. 140-141 et
150).
La
chimie des gaz
En 1772, un champ d'investigations nouveau, celui de la chimie des
gaz, s'ouvre devant Lavoisier. Succédant à Robert
Boyle (1627-1691), John Mayow (1645-1679) et Stephen Hales
(1677-1761), les chimistes écossais, Joseph Black
(1728-1799), Joseph Priestley (1733-1804), Henry Cavendish
(1731-1810), ont fondé la chimie pneumatique dans les
années 1760. Les Français n'ont pas vu l'importance
du rôle chimique des gaz et considèrent encore l'air
atmosphérique comme un gaz inerte, "un simple
réceptacle des exhalaisons".
En septembre, Jean Charles Philibert Trudaine de Montigny
(1733-1777), Intendant des Finances et collègue de
Lavoisier à l'Académie des Sciences, lui demande de
vérifier une information fournie par son espion à
Londres, Joâo Jacinto de Magalhaens: il serait possible de
traiter le scorbut en administrant aux patients une
préparation d'air fixe (CO2 ou bioxyde de carbone) sous
forme d'eau gazeuse artificielle. C'est du moins ce que vient de
rapporter à la Royal Society le chimiste Joseph
Priestley.
L'air fixe, ce gaz nouveau que l'anglais dit fixé dans
certains composés organiques, pose à Lavoisier une
énigme. Est-ce l'air atmosphérique lui-même
qui se fixe, ou bien est-ce une partie seulement de l'air
atmosphérique, écrit Anne Robert Jacques Turgot
(1727-1781), l'intendant de Limoges, futur contrôleur
général des finances,à son jeune ami
Condorcet (1743-1794) de l'Académie des Sciences? Et cette
fixation d'air serait-elle la cause de l'augmentation de poids
observée quand, par simple chauffage, on transforme un
métal en son oxyde ? Cette opération, appelée
calcination par analogie avec la méthode employée
pour transformer la craie en chaux, permet en effet de transformer
en oxydes de nombreux métaux. Or ces oxydes- on le sait
depuis longtemps - pèsent plus lourd que le métal
qui leur a donné naissance. Ainsi, les Mémoires de
l'Académie des Sciences font état en 1667,
année de création de l'Académie,
d'Expériences de l'augmentation du poids de certaines
matières par la calcination. "Il serait assez naturel de
croire, écrit l'auteur du rapport, qu'un corps ne peut
devenir plus pesant à moins qu'il ne s'y joigne quelque
matière sensible. Mais M. du Clos fit voir à
l'Académie qu'une livre de régule d'antimoine, si
bien broyé qu'il était réduit en
poussière impalpable, ayant été
exposée au foyer d'un miroir ardent et réduite en
cendre au bout d'une heure, en était devenue plus pesante
d'une dixième partie, quoique pendant tout le temps qu'elle
avait brûlée, elle eût jeté une
fumée blanche assez épaisse. Tandis que cette
matière était allumée, sa surface se couvrait
de grande quantité de petits filaments blanchâtres.
Le feu du charbon ferait le même effet que celui du soleil.
L'expérience étant réitérée, on
trouva que plus la poudre d'antimoine était fine, plus elle
s'échauffait promptement, plus elle augmentait de poids. On
trouva aussi que les minéraux sulphurés, comme
l'étain et le plomb, prennent, lorsqu'ils sont
calcinés, cette augmentation de pesanteur. [...] M. du Clos
conjecturait que l'air qui coule incessamment vers les endroits
où il y a du feu, laisse sur ces matières
embrasées pleines de soufre terrestre, des particules
sulphurées plus volatiles qui s'unissent avec eux, s'y
fixent et forment ces filaments dont nous avons parlé, qui
font apparemment toute l'augmentation du poids."
Le moyen de savoir si l'augmentation de poids est liée
à la fixation d'airest de répéter
expériences des autres auteurs. Lavoisier choisit le
phosphore, ce corps étonnant qui se calcine facilement en
produisant de l'acide phosphorique. Ayant placé dans un
flacon ouvert un demi gramme de phosphore, il pèse
l'ensemble et le place sous une cloche de verre; à l'aide
de la lentille ardente qui lui servait à calciner les
diamants, il enflamme le phosphore; celui-ci brûle dans le
flacon en produisant de l'acide phosphorique; à la fin de
l'opération, l'air de la cloche a diminué de 0,3
litre alors que le poids du flacon a augmenté de 0,3
gramme. Il est clair que l'air de la cloche a été
fixé par le phosphore et que cette fixation explique
l'augmentation de poids.
Il en va de même avec le soufre, qui brûle sous la
cloche de verre en se transformant en acide sulfurique. Le poids
de l'ensemble cloche + soufre est le même avant et
après l'expérience; celui de la cloche n'a pas
changé; seul le poids du soufre a augmenté. Cette
augmentation s'est donc faite nécessairement aux
dépens de l'air contenu sous la cloche. La calcination du
plomb, celle de l'étain, donnent les mêmes
résultats.
Voila bien une découverte révolutionnaire et qui
n'est guère compatible avec la théorie officielle
formulée par Stahl. Si le simple chauffage d'un
métal lui fait perdre son phlogistique, il devrait en
même temps perdre du poids; or c'est tout le contraire, son
poids augmente. L'affirmation de Stahl est donc
nécessairement fausse: la combustion ne consiste pas en une
libération de phlogistique mais en une captation d'air et
elle s'accompagne d'une augmentation de poids.
En novembre, Lavoisier est prêt à établir le
rôle chimique de l'air et à remettre en question
l'existence du phlogistique. Le programme de recherche qu'il
définit sur ce thème dès le début de
1773 va être suivi à la lettre pendant vingt
années, émaillées de vraies
découvertes, d'emprunts aux auteurs anglais et surtout de
brillantes synthèses conceptuelles qui donnent ses bases
à la chimie moderne.
La
notion d'élément
Est-ce l'air atmosphérique tout entier qui est capté
au cours de la calcination des métaux et qu'on appelle
dès lors air fixe , comme le soutient Turgot, ou seulement
une partie de cet air ? Et celle partie ne serait-elle pas
précisément le gaz que libère la calcination
des oxydes métalliques ? En mars 1775, Lavoisier
réalise sa fameuse expérience des douze jours et des
douze nuits sur l'oxyde rouge de mercure, qu'on appelle aussi
précipité per se. Cet oxyde qu'on obtient par
chauffage prolongé du mercure à 350 degrés a
en effet la propriété remarquable de se
réduire spontanément lorsqu'on le chauffe à
plus de 4OO degrés. Déterminé à peser
non seulement les solides et les liquides, mais aussi les produits
gazeux de la réaction, il recueille ceux-ci grâce
à la cuve pneumatique inventée par Hales et
perfectionnée par Cavendish et Priestley.
Le gaz fixé puis libéré que Lavoisier
étudie a des propriété bien remarquables: il
active les combustions et entretient la respiration des animaux;
c'est l'oxygène. Priestley, l'appelle air
déphlogistiqué, mais Lavoisier, déjà
physiologiste, préfère l'appeler air vital.
La théorie des acides découle tout naturellement de
ces premières découvertes: puisqu'en brûlant
du soufre au feu de l'oxygène on obtient de l'acide
sulfurique et qu'en brûlant du phosphore on obtient de
l'acide phosphorique, la dénomination oxygène (
celui qui engendre des acides ) est bien celle qui convient
à ce nouveau gaz.
"La définition de la composition de l'air découle de
ce programme de recherche: l'air de l'atmosphère n'est pas
un élément, c'est à dire un corps simple,
mais un mélange de plusieurs gaz. L'air de
l'atmosphère est composé d'un quart environ d'air
déphlogistiqué ou air éminemment respirable [
l'oxygène ] et de trois quart d'un air méphitique et
nuisible [ l'azote ]." (Lavoisier, Oeuvres, II, p.
143).
Dans les querelles d'antériorité concernant la
découverte de l'oxygène, il est donc possible de
définir la contribution originale de Lavoisier: si le
Suédois Scheele l'a isolé le premier, c'est
Priestley qui a défini ses propriétés et
c'est Lavoisier qui l'a identifié comme
élément.
Le voici ramené, qu'il le veuille ou non, à
l'étude méthodique des quatre éléments
d'Aristote; peut-on vraiment les considérer comme des
éléments, des constituants
élémentaires de la matière? Ce n'est
déjà plus vrai pour la terre, l'air, le feu. Qu'en
est-il de l'eau?
L'analyse et la synthèse de
l'eau
En 1783, cherchant à identifier le produit de la combustion
d'hydrogène en présence d'oxygène, Lavoisier
obtient, après Cavendish et Priestley, de l'eau. Elle n'est
donc pas un élément simple; elle est composée
d'hydrogène et d'oxygène. Reste à le
démontrer de façon indiscutable. Ainsi, en
février 1785 il réalise dans une même
expérience l'analyse puis la synthèse de l'eau. Sa
démonstration dure trois jours devant un large public Avec
l'aide de J.-B. Meusnier (1754-1793), il fait passer de la vapeur
d'eau sur du fer incandescent, ce qui la décompose en
hydrogène et en oxygène; les deux gaz sont
recueillis chacun dans un gazomètre construit par
Mégnié. Ensuite, les deux gaz mélangés
dans un ballon de verre sont enflammés à l'aide
d'une étincelle électrique, et l'eau se reforme.
La production d'hydrogène en grandes quantités selon
cette méthode permettra à Lavoisier de l'adapter au
gonflement des Charlières, ces aérostats
inventés par le professeur Charles et qui, à la
différence des Montgolfières, ne sont pas
gonflés d'air chaud mais d'hydrogène. Comme toujours
chez Lavoisier, recherche fondamentale et recherche
appliquée sont associées et
complémentaires.
Le
contenu de la révolution chimique
- La notion d'élément. Lavoisier remeten cause les
quatre éléments d'Aristote - la terre, l'eau, l'air,
le feu - et redéfinit la notion d'élément; il
montre que l'air atmosphérique est un mélange
d'oxygène et d'azote et que l'eau est un corps
composé, formé d'oxygène et
d'hydrogène. Il met en évidence le rôle de
l'oxygène dans les combustions, les calcinations, les
oxydations, la formation des acides. En affirmant avec Laplace que
la quantité de chaleurlibérée au cours d'une
réaction est égale à la quantité de
chaleur absorbée au cours de la réaction inverse, il
formule les premiers principes de la thermochimie.
- Le rejet du phlogistique. En attaquant en 1785 la "sublime
théorie" de Stahl, Lavoisier, dans ses Réflexions
sur le phlogistique., couronne la révolution scientifique
amorcée. Mais ses droits de propriété sur
cette révolution ont leurs limites. Pour la
découverte de l'oxygène, Scheele, le Suédois
et Priestley, l'Anglais, l'ont précédé; celle
de la composition de l'eau est implicite dans les résultats
de Cavendish; celle de la chaleur spécifique dans ceux de
Crawford et Black. En outre, la façon dont il envisage
différents degrés d'oxygénation est peu
compatible avec le concept moderne d'oxydo-réduction et
l'échange d'électrons qui l'accompagne: le gain
d'électrons au cours des réductions va plutôt
dans le sens de la captation de phlogistique imaginée par
Stahl.
- La nouvelle méthode de nomenclature. En donnantà
la chimie ses premières lois générales, il en
fait une science; en lui imposant l'emploi de la balance etla
peséeexacte des corps à l'entrée et à
la sortie de toute réaction, il invente une méthode
expérimentale; mais sa contribution sans doute la plus
importante est le langage moderne qu'il lui donne en codifiant,
avec Guyton de Morveau, la nouvelle méthode de nomenclature
chimique. Il fait plus que de lui donner un nouveau langage: "il
formalise ce langage en tirant parti du caractère
quasi-algébrique et de l'universalité des grandes
fonctions linguistiques, selon une combinatoire ouverte, conforme
à la capacité que possède la chimie de
créer rationnellement des espèces matérielles
toujours nouvelles." (J. P. Malrieu, L'actualité chimique, mars 1987, XI).
Lavoisier s'appuie ici sur l'abbé de Condillac (1715-1780),
qu'il cite dans l'introduction du Traité
élémentaire de chimie: "Les langues sont de
véritables méthodes analytiques; que
l'algèbre - la plus simple, la plus exacte et la mieux
adaptée à son objet de toutes les manières de
s'énoncer - est à la fois une langue et une
méthode analytique; enfin que l'art de raisonner se
réduit à une langue bien faite."
Certains reprochent à Lavoisier d'avoir remplacé la
théorie phlogistique de Stahl par son inverse - --
captation d'oxygène au lieu d'émission de
phlogistique au cours de la combustion -- et pour cette raison ont
appelé anti-phlogistique la nouvelle chimie. D'autres ont
critiqué le choix des nouvelles dénominations ou
insisté sur le caractère trop absolu de la
théorie des acides, puisque certains, comme l'acide
chlorhydrique, ne contiennent pas d'oxygène.
On lui reproche parfois d'avoir engagé la chimie et la
physique dans une impasse en remplaçant le phlogistique par
l'hypothétique calorique ou matière de la chaleur,
substance matérielle impondérable. Cette
dernière, selon lui, se combinerait au principe oxygine
pour former le gaz oxygène. Entre chaleur-substance et
chaleur-mouvement, les deux conceptions qui coexistent à
son époque, il a fait le mauvais choix. (Maurice Pasdeloup,
"Lavoisier géant de la science, nain et victime de la
politique", in Fréquence
Chimie, novembre 1994, p. 26).
Quant aux affinités chimiques, il se justifie par une
pirouette de ne pas les avoir étudiées: "M.
Geoffroy, M. Gellert, M. Bergman, M. Scheele, M. de Morveau, M.
Kirwan et beaucoup d'autres ont déjà
rassemblé une multitude de faits particuliers qui
n'attendent plus que la place qui doit leur être
assignée; mais les données principales manquent, ou
du moins celles que nous avons ne sont encore ni assez
précises ni assez certaines pour devenir la base
fondamentale sur laquelle doit reposer une partie aussi importante
de la chimie." (Lavoisier, Traité élémentaire de
chimie, I, p. xiv).
Il n'estpasinutilede lui donner un instant la parole, puisqu'il a
eu le soin de préciser en 1792, à une époque
où la vantardise n'était plus pour lui de mise, ce
qu'il considèrait comme son apport personnel: "On ne pourra
pas me contester, j'espère, toute la théorie de
l'oxydation et de la combustion; l'analyse et la
décomposition de l'air par les métaux et les corps
combustibles; la théorie de l'acidification; des
connaissances plus exactes sur la nature d'un grand nombre
d'acides, notamment des acides végétaux; les
premières idées de la composition des substances
végétales et animales; la théorie de la
respiration, à laquelle Seguin a concouru avec moi."
(Mémoires de
Chimie, tome II, p. 87)
Dans cette sèche énumération faiteavec la
modestie des orgueilleux, il sait bien qu'il apporte pour
séduire la communauté scientifique beaucoup plus que
le simple rejet du phlogistique.Sa puissance de travail,
saméthode expérimentale, sa fortune, ses
coûteux instruments, son influence à
l'Académie des Sciences, son appartenance aux "milieux
éclairés", le talent de son épouse pourles
relations publiques, les dîners du lundi à l'Arsenal,
et le rôle politique de Paris et de la France en Europe font
le reste.
Lavoisier ouvre enfin la voie à la chimie organique en
inventant la méthode d'analyse des corps organiques par la
combustion. C'est pourtant cette ouverture, associée
à ses préoccupations d'hygiéniste, qui va le
conduire versla médecine, la physiologie etla biologie.
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