Jean-Pierre Poirier
Comité Lavoisier
Académie des Sciences de Paris
L'image traditionnelle d'Antoine
Laurent Lavoisier, fondateur de la chimie moderne et fermier
général, guillotiné à Paris sur la
place de la Concorde le 8 Mai 1794, en pleine Terreur, doit
beaucoup aux ouvrages écrits lors du premier centenaire de
la Révolution française. Quatre chimistes en sont
les auteurs: Jean-Baptiste Dumas, Édouard Grimaux, Marcelin
Berthelot et Adolphe Wurtz, père de la formule
célèbre: "La chimie est une science
française: elle fut constituée par Lavoisier,
d'immortelle mémoire."
Des opinions aussi tranchées ont conduit certains
historiens des sciences à contester à Lavoisier le
contenu, l'importance et la propriété même de
la révolution chimique. Tout au long de l'année
1994, les manifestations qui ont marqué le bicentenaire de
sa mort ont cherché à analyser son rôle
novateur en chimie et dans tous les domaines qu'il a
illustrés: la géologie, la minéralogie,
l'agronomie, l'industrie, l'hygiène publique, la
physiologie, la biologie, l'économie politique et
l'administration des finances de l'État.
Le visage de Lavoisier reste familier grâce au portrait
peint en 1788 par Jacques Louis David et visible au Metropolitan
Museum of Art de New York. Élégant, en habit noir,
perruque poudrée et chaussures à boucles d'argent,
il est assis dans un salon Louis XVI, auprès de sa jeune
épouse et collaboratrice, Marie-Anne Pierrette qui, debout
et en robe blanche se penche vers lui. La scène
évoque l'idéal de réussite sociale d'un riche
bourgeois fraîchement anobli. La liasse de documents qu'il
corrige et l'amoncellement d'instruments étranges qui
l'entourent soulignent sa qualité d'intellectuel et de
savant. Mais ce que le tableau ne révèle pas, c'est
l'extraordinaire diversité des talents, le goût de
l'action et le sens de l'organisation de cet honnête homme,
l'originalité et le modernisme de ses idées dans
tous les domaines.